Deux petites dames vers le nord

La metteur en scène du spectacle Alexandra Thys est en contact direct avec l’auteur de la pièce Pierre Notte. Elle lui a envoyé le dossier de présentation et l’auteur lui a adressé ces quelques mots que nous reproduisons ci-dessous :
« Mon père est mort en 1994, j’avais vingt-quatre ans. Enterré à Saveuse, près d’Amiens. Petite histoire privée, très personnelle, aucune littérature là-dedans. On a jeté les fleurs, quelques bouquets, une petite couronne, dans le trou, dans la tombe. Ma mère riait et pleurait. Et les années qui ont suivi, la mémoire a fait défaut. Incapable de me souvenir, où, comment, quand, quelle date, la tombe et la mort, j’étais devenu incapable de me rappeler, de faire front, de faire face. Deuil refusé. J’étais débouté au deuil. Alors j’ai voulu enquêter, chercher la tombe, partir à la recherche du père mort, l’affronter. J’ai inventé deux sœurs, ma mère et sa sœur, moi-même et la mienne, elles partent d’un endroit fermé, le magasin vieillot, air vicié, et elles marchent vers la lumière, vers le vent qui vrombit au pied des falaises. Leur promenade vers la liberté. Le voyage, la réconciliation, le deuil apprivoisé. Je ne connais pas Alexandra Thys, je ne sais rien d’Anne-Marie Yerly ni de Shin Iglesias, mais les voix, les mots échangés, le dossier, les images, le projet, tout me permet de penser, d’être persuadé, qu’elles savent où elles vont, nos deux petites dames à nous tous, cheminement partagé. Je sais qu’elles y vont ensemble, et heureusement, vers la tendre et tardive émancipation des êtres qui souffrent parfois même sans le savoir, et se défont de leurs vieilles peaux de douleurs, par le rire, la fête, l’air libre, les chansonnettes et les cris des mouettes, qu’elles soient normandes ou suisses. »